Brève sur Lire ce qui ne cesse pas de ne pas s'écrire de Marie-José Latour, par Kristèle Nonnet-Pavois

 

Re – deux lettres pour un préfixe exprimant un mouvement.


Reprise, retour, revenant, relecture, répétition.
Série de quelques signifiants extraits de ce livre qui nous ouvre à la rencontre d’un écrivain et d’une psychanalyste. A se côtoyer et à questionner ces signifiants, Philippe Forest et Marie-José Latour, c’est à une ouverture au réel qu’ils nous invitent, pris que nous sommes dans le « labyrinthe de la nuit du langage »(1). De ce labyrinthe où il s’agit à chacun, corps parlant, de tâtonner, de s’y déplacer avec un tracé incertain.
Pas de linéarité, « causes et effets échangent sans cesse leurs places » (2) nous dit Philippe Forest. De ce pas de sens de circulation établi, il y a ainsi à consentir à s’y perdre, à passer outre des frontières.
Mouvement dans l’espace et mouvement dans le temps, là encore pas de chronologie figée d’un passé-présent-futur. La phrase se construit de subordonnées à des temps différents. « Le mot qu’il y eut au commencement, depuis toujours, fait défaut » écrit Marie-José Latour.


Recommencement.
« A raconter une vie, on la reconstruit » (3). De ces dits, l’analysant réécrit l’histoire. Incidence du signifiant sur la vie. « Pas de signification majuscule, nous dit Philippe Forest, pour que l’histoire continue et qu’elle préserve vivants et désirants les individus que nous sommes » (4).

Rome, La Troisième, Lacan dépose le mot vie dans le cercle du réel. Le rond du réel rond de la vie. « C’est qu’incontestablement de la vie, après ce terme vague qui consiste à énoncer le jouir de la vie, la vie nous ne savons rien d’autre » (5). De cet inintelligible que côtoie littérature et psychanalyse, l’écriture de Philippe Forest et la boussole lacanienne de Marie-José Latour s’entretiennent et cheminent de ce qui réitère le désir. Ce savoir impossible « inter-dit, il est dit entre les mots, entre les lignes. Il s’agit de dénoncer à quelle sorte de réel il nous permet l’accès » (6). Encore, Lacan cheminait, « la nuée du langage fait écriture », des traces se déposent.
Ce qui s’écrirait dans les marges, au-delà de celles qui font tenir le livre, celles du pas-de-côté dans une traversée d’un paysage qui ne cesse pas de se recomposer, serait-ce lieu d’une hystorisation qui ferait avec l’irrésolu ?
A le lire et le relire, le travail de Marie-José Latour autour de l’écriture de Philippe Forest donne envie de dévier son chemin vers l’œuvre de Philippe Forest et donne matière à soutenir un questionnement autour ce qui fait la trajectoire d’une analyse.


Kristèle Nonnet-Pavois

 

  1. Formulation de Marie-José Latour dans le chapitre intitulé « Le labyrinthe de l’oubli », p.124.
  2. Philippe Forest, dans l’entretien intitulé « Car il est en vérité un grand vide », p.115.
  3. Ibid., p.97.
  4. Ibid., p.106.
  5. J. Lacan, « La Troisième », 1974.
  6. J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p.108-109.

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