Brève sur La (dé)formation du psychanalyste par Paula Damas

 

Brève à propos du livre : « La (dé)formation du psychanalyste »
Dominique Touchon-Fingermann, par Paula Damas



S’il s’agit pour Dominique Touchon-Fingermann de déplier les axes qui conditionnent et attestent de l’acte analytique, la visée politique de ce travail en est également le ressort, à ce moment de l’histoire où « les machinations de la science et du marché conspirent pour ne pas nous permettre de psychanalyser comme par le passé » (1) 
Isolés, nous ne l’avons jamais étés autant qu’à ce jour. Nous le savons, Jacques Lacan annonçait en 1977 la mort prochaine de sa discipline (2). Ainsi, puisque nous y sommes, à ce point de jonction entre la prédiction et la réalité politique actuelle qui se charge de la nourrir, comment ne pas traiter la lecture de cet ouvrage sous son angle nécessairement subversif ? Si le psychanalyste se doit d’apporter la preuve de sa formation pour écarter le charlatanisme en son sein, se doit-il pour autant de prouver sa légitimité dans la cité pour assurer sa pérennité ? Lacan indiquait que le psychanalyste se devait d’être au fait des enjeux propres à la subjectivité de son époque, mais aussi « qu’il n’y a d’analyste qu’à ce qu’il soit le rebut de l’humanité » (3). L’ouvrage de Dominique Touchon-Fingermann tombe juste quant à cette impérative mise à l’épreuve qui garantit notre éthique. En ces temps où la psychanalyse subit une vision populaire particulièrement déformée, ravalée et assimilée à une imposture, quoi de plus audacieux que d’y répondre par la mise en exergue d’un paradoxe : le psychanalyste n’a d’autre preuve à apporter que celle de sa (dé)formation nécessaire, toujours et encore à renouveler, réinterroger. Ce trajet discontinu, jalonné par des béances et des franchissements, qui a pour visée d’obtenir la différence absolue mais également son pendant, la solitude qui l’accompagne. « C’est à partir de cette solitude que le psychanalyste doit contribuer au savoir de la psychanalyse et expliciter face aux autres, les raisons de sa clinique » (4).
(Dé)formés, impérativement, rebuts, nécessairement ; uniques voies possibles pour maintenir l’existence de la psychanalyse ; mais pas si seuls : l’École, sa proposition, autorise tous « ces épars désassortis » (5) au risque de témoigner de la vérité menteuse, pour y abriter la valeur de ce qui l’anime : la cure, le contrôle, la passe, l’enseignement, le cartel ; indispensables opérateurs rigoureusement dépliés par Dominique Touchon-Fingermann. Autant de garanties pour contredire nos détracteurs, refuser la disparition programmée de la psychanalyse et continuer d’habiter un lieu à part dans le monde de l’uniformisation programmée.



Paula Damas

 

1. Touchon-Fingermann D., La (dé)formation du psychanalyste, p. 203.

2. Lacan J., Intervention à l'université de Bruxelles le 26 Février 1977, publiée dans le n° 2 de la revue Quarto en 1981

3. Lacan J., "Note italienne", Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 308

4. Touchon-Fingermann D., La (dé)formation du psychanalyste, p. 205.

5. Lacan J., "Préface à l'édition anglaise du Séminaire XI", Autres écrits, op. cit., p. 573.

 

     

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