Une brève sur la "Lecture de la Préface à l'éveil du printemps", de Colette Soler, par Cathy Barnier

 

    C’est opportunément que, pour inaugurer leur nouvelle collection « Opuscule$ », les Éditions Nouvelles du Champ lacanien publient l’ouvrage de Colette Soler : Lecture - Préface de Jacques Lacan à L’éveil du printemps de Wedekind. Au moment où, à la faveur des offres de la science et du développement des réseaux numériques, le bruit de fond de la plainte issue du non rapport sexuel prend de nouvelles formes, que ce soit sur les questions d’identité de genre, ou les vagues de dénonciation issues des tensions de ce qui résulte des rapports entre les hommes et les femmes… la lecture entre les lignes de cet ouvrage nous invite à jeter dessus une nouvelle lumière et démontre à quel point Lacan avait su anticiper.

     

    En septembre 1974, Lacan écrit un texte, remarquable par sa densité, son style et les formules autant énigmatiques que percutantes qui y affleurent : Préface à L’Éveil du printemps de Wedekind [1]. Ce texte lui avait été demandé à l’occasion d’un nouveau montage de la pièce à Paris lors du festival d’automne en 1974. C’est un texte charnière, à la confluence d’autres écrits et séminaires de la même période : « L’étourdit » écrit en 1972, les séminaires Encore (72/73), Les non-dupes-errent (73/74) et R.S.I (74/75) où Lacan développe de nouvelles thèses sur le dire, la jouissance du parlêtre, lalangue, les Noms-du-père, les nœuds borroméens, entre autres.

     

    Au cœur de la pièce se trouve donc la question de comment le désir sexuel pour les filles vient aux garçons : par l’éveil de leurs rêves, répond Wedekind, anticipant Freud. Prenant leur suite, Lacan dans sa préface se saisit du texte du dramaturge pour relever son dire et en tirer toute la logique. Cette préface condense toutes les récentes avancées de Lacan, mais en offre aussi de nouvelles, sur la jouissance phallique, le pastout intérieur au Tout, différent du pastout côté femme, les Noms-du-Père, la Père-version, avec majuscule différente de la père-version…

     

    Comment le sens du sens est-il lié à la jouissance du garçon ? Quelle différence y-a-t-il entre : « elle veut être la seule » et « la fille n’est qu’une et veut le rester », comment un homme se fait l’Homme ? De quelle exception relève le « pastout » à l’intérieur de la jouissance phallique ? Quelles sortes de non dupes errent au Royaume des morts ? De quoi « l’homme masqué », personnage de la pièce, est-il le Nom ? Est-il homme ou femme ? Et de quel infini le Père est-il l’index ?... pour ne citer que quelques-unes de toutes les questions que soulève le texte de Lacan.

     

    Il fallait bien l’art de lire de Colette Soler pour y répondre, en dépliant avec précision toutes les formulations de cette préface, et nous permettre d’y entrer en saisissant toutes leurs subtilités et leur résonnance actuelle.

     

    Cathy Barnier

    Vers l'ouvrage

     

    [1] J. Lacan « Préface à L’Éveil du printemps » dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001.