Une brève de Zehra Eryörük, à propos de La Psychanalyse, pas la pensée unique

À propos de la réédition de La Psychanalyse, pas la pensée unique, de Colette Soler, Louis Soler, Jacques Adam et Danièle Silvestre

 

Une option éthique

Psychanalyste ou pas, pas-tout sujet ne s’oppose à la pensée unique. Beaucoup, voire des masses entières s’en accommodent parfaitement et les plus malins tirent même quelques épingles du jeu. C’est connu, quelle que soit l’histoire, écrit avec un petit ou un grand H. Pour celles et ceux qui refusent de s’y plier, une ligne rouge fait limite à l’acceptable, qu’on appelle cela symptôme, réel ou éthique du sujet. 

 

La Psychanalyse, pas la pensée unique est une option éthique qui fonde les mouvements des Forums du Champ lacanien. Ce n’est pas dit comme tel - du moins textuellement - dans l’ouvrage, mais cela se pressent dès la première lecture. Les témoignages des auteurs dressent l’état des lieux de la situation de la psychanalyse dans l’AMP d’où éclate la crise de 1998, mais dont les racines datent de 1990.

 

Dans la partie “Sens et enjeux de la crise”, Colette Soler met à jour la cause de la crise par l’étude de celles qui jalonnent l’histoire de la psychanalyse. Elle cerne deux principes de conflit à l'œuvre : celui du pouvoir politique et celui du rapport au savoir, tous deux présents dans les groupes analytiques. Deux discours, celui du maître et celui de l’analyste, qui s’opposent mais qui en même temps doivent cohabiter ensemble, mais comment ? 

 

Le pouvoir politique, qu’on le veuille ou non, qu’il soit démocratique ou autoritaire, est le discours du maître qui régit les sociétés ou les communautés. C’est toujours un signifiant maître qui est à l'œuvre, y compris dans les institutions analytiques. Mais le discours du maître dans l’institution analytique n’est pas gouverner les analystes qui y prennent place [1].

 

Dans l’introduction de la première édition, Colette Soler décrit une politique de domination comparable aux régimes totalitaires « asphyxiant et paralysant [2] » la pensée analytique par « l’aliénation [3] » des membres du groupe. Une politique qui va à l’encontre du « désir de psychanalyse [4] » jusqu’à vouloir « gouverner […] le dispositif de la passe [5] ». Dans la nouvelle préface pour la réédition, Colette Soler précise ce point de « sans retour [6] » d’où prend racine le mouvement des Forums et de l’EPFCL. C’est donc une option éthique qui donnera  non seulement une issue à la crise, mais constituera le fondement même d’une fonction tierce entre pouvoir politique et rapport au savoir.

 

Zehra Eryörük

 

Vers l'ouvrage

 

[1] Voir à ce sujet les pages 111 et 112 du texte de Sidi Askofaré où il interroge « Qu’est-ce que gouverner ? » (Askofaré, Sidi, « Le réel de la politique. En quoi et pourquoi gouverner est-il impossible ? », Champ lacanien, vol. 13/1, 2013, p. 103-118.

[2] Colette SOLER, Louis SOLER, Jacques ADAM, Danièle SILVESTRE, La Psychanalyse, pas la pensée unique, Paris, Éditions Nouvelles du Champ Lacanien, Hors collection, 2024, p. 31.

[3] Ibid, p. 26.

[4] Ibid, p. 14.

[5] Ibid., p. 10.

[6] Ibid., p. 9.