Une brève de Dominique Touchon Fingermann, à propos d'Un silence pour appui

Psychanalyse, temps zéro

Michel Bousseyroux n’est pas un bavard, c’est plutôt un taiseux. Pourtant, quand il l’ouvre il ne mâche pas ses mots, afin que leur réson ne nous échappe pas, ou tout au moins, pour que nous n’en sortions pas indemnes. Aussi quand nous ouvrons ce nouveau livre, nous tendons l’oreille : d’où parle- t-il, maintenant ? Où nous conduit-il cette fois encore ?

Il s’agit, comme souvent pour ses publications, d’un recueil d’interventions proférées ici et là : il nous manquera ici la voix et le ton impayable de Bousseyroux qui ne retient pas le corps pour que les mots touchent le bon entendeur. Sans la voix, mais pas sans le dire qui porte ce passeur obstiné, « par l’efficace de son écriture graphique » à soutenir l’étourdit, celui qui est toujours en moins, en trop, dans la comptabilité, incompatible avec les mots dits.

Bousseyroux, passeur de Lacan, encore ? Bousseyroux passeur de la psychanalyse, pas sans le psychanalyste : en acte, silet, comme Beckett et autres « ironistes », il fait silence « pour que la psychanalyse redevienne un acte à venir encore ».

Obstinato, le revoila, il insiste de nouveau pour nous conduire jusqu’au « dernier Lacan », celui qui à la fin, aurait trouvé le bon nœud, celui qui ne s’encombre plus de ses chaînes.

Mais que faut-il à la fin pour en arriver là, de nouveau ? Il faut bien que ça commence, et ça, c’est toujours nouveau : le souffle coupé, puis l’inspiration au début de la psychanalyse, au début de chaque séance, au début de la fin. Ce temps musical de l’anacrouse ouvre la brèche du silence qui soutiendra jusqu’au bout, les enchaînements du bavardage et ses expirations. 

« Ça commence par là, l'air et les paroles, par un silence qui décomplète les temps de la mesure « zéro », écrite juste avant de battre la première »[1].

M. Bousseyroux … in progress, n’en finit pas de recommencer la psychanalyse, aussi ce livre Un silence pour appui. Anacrouse de l’analyste, trouve bien sa place, dans cette collection «…in progress » des Éditions Nouvelles du Champ Lacanien.

Mais commençons par le commencement : au début de ce qui deviendra peut-être une psychanalyse, il y a l’anacrouse de l’analyste, « celui dont l’éthique est convertie au silence ».

D’un discours sans parole, annonce, incarne, cette fonction musicale d’anacrouse soutenue au cœur de chacun des 9 chapitres de la série : il s’agit de quelques notes qui ouvrent le champ de ce qui pourrait se dire. Mieux, le premier chapitre  constitue l’âme de cette série, ce autour de quoi elle tourne pendant neuf épisodes, comme autant de moments cruciaux de la psychanalyse « in progress ».

Ce qui annonce l’ouverture d’une analyse, son à venir, c’est la « position de l’inconscient ».

L’acte de cette mise en place de l’inconscient revient à l’analyste, il suffirait de presque rien : faire silence au lieu du bavardage analytique.

Recueil d’interventions, de prises de parole, où à chaque fois se saisit, se recueille, l’anacrouse de l’analyste.

 

[1]  M. Bousseyroux, Un silence pour appui. Anacrouse de l'analyste. Paris, Editions Nouvelles du Champ lacanien, 2024, 4e de couverture. 

 

Dominique Touchon-Fingermann

 

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