Une brève d'Anne Migliorini sur Dessins et maux d'enfant, de Marie-José Latour

Dans Dessins et maux d’enfant, Marie-José Latour revient sur ce que Perrault nous a légué, cette expression immuable des contes pour enfants. « Il était une fois » délimite ce temps d’avant le temps du récit, avant que ne se déploient tous les dits du narrateur. C’est une formule qui à elle seule pourrait présentifier le passage au dire mais à la dire, l’acte est déjà passé. Elle rappelle à notre bon souvenir ce temps d’avant la parole tombé dans l’oubli. Elle augure des dits. C’est une formule invocante : elle appelle à l’ouverture des écoutilles autant qu’elle oblige au silence. La voix adressée à son auditoire demande à être entendue.

« Il était une fois » introduit le trait unaire, le un qui compte, ce un qui marque. La fois dans son unicité et l’histoire qui en découle, laisse entendre un avant et un après de l’acte.

La psychanalyse avec les enfants amène parfois à rencontrer des sujets qui ne parlent pas, des sujets qui ne sont prêts à céder ni sur les mots, ni même sur la voix qui les porte, des sujets qui font montre d’indocilité et d’entêtement face au langage, face à « la condition tragique de la parole », comme la définit Marie-José Latour. Quand un enfant passe au dire, lorsqu’il y consent, au sens où le mot lui échappe, il autorise l’analyste à en être le témoin à accuser réception de ce premier dit. L’on se souviendra de ce premier mot et non de ce premier temps. L’apparition du dit se fait en un éclair, le temps d’avant peut durer si longtemps. De cette contingence, surgit la parole et avec elle, quelque chose de nouveau, quelque chose d’imprévisible qui peut rester dans cette énigme, indéchiffrable mais comptée.

Ses rencontres littéraires et artistiques enveloppent la réflexion de Marie-José Latour sur la psychanalyse avec les enfants. À la suivre, se murmure avec ces artistes, le temps d’avant, celui des ruines, des ténèbres, de l’exil, et se dessine un trait, la marque d’une encoche laissée.

Du geste à la geste, du savoir-faire à l’écrit, il n’y a qu’un pas que franchit avec délicatesse Marie-José Latour.

 

                                                                                               Anne Migliorini

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