Une brève d'Adèle Jacquet-Lagrèze à propos de : Sur la parole analytique. Maurice Blanchot
« […] celui-là qui semble le plus négligent, le plus absent des auditeurs, un homme sans visage, à peine quelqu’un, sorte de n’importe qui faisant équilibre au n’importe quoi du discours, comme un creux dans l’espace, un vide silencieux qui pourtant est la vraie raison de parler […] [1] »
Depuis l’obscurité d’une lecture en attente, ce livre composite fait écho à cet « entretien nu[2] » [28] entre la psychanalyse et Maurice Blanchot qui se regardent dans le silence qui nous enjoint de parler.
Ce livre fait résonner un collectif de voix qui entre littérature, psychanalyse et mise en espace des corps parlants, chacun selon sa plume et selon la trace d’une pluralité chère à Blanchot met en acte une réponse au « Pourquoi deux paroles pour dire une même chose ? – C’est que celui qui la dit, c’est toujours l’autre[3]. » [33].
L’obscur miroir, qui reflète une image toujours tremblée ne sera, par l’écrivain, ni poli, ni éclairé, mais transfiguré en miroir de l’Obscur[4] [89], [103], invitant le lecteur à passer à l’analyse, l’analysant à la lecture, l’analyste à une parole au-delà de l’imaginable, à « veiller sur le sens absent[5] » [53].
Blanchot, de même qu’une analyse, nous invite à se laisser traverser par cet appel irrésistible aux mots qui ne feront pas retour en identité : « noli me legere[6] », rappelle-t-il dans une lettre intime [59,60], qui répondait à la fine lecture envoyée par M. Bousseyroux sur Le Très-Haut[7] et L’Arrêt de mort[8], « recto-verso du pire » [117], présente en fin d’ouvrage.
Blanchot sut comme peu, faire usage d’une parole qui se sait soi, qui s’oublie, commencée au joint béant d’une sentence de mort suspendue, maintenant un « c’est maintenant que je parle[9] » [40, 119] qui fait la vie.
Adèle Jacquet-Lagrèze
[1] M. Blanchot, « La parole analytique », dans L’entretien infini, Gallimard, Paris, 1969, p. 348
[2] Ibid.
[3] Ibid., p. V.
[4] M. Blanchot, Thomas l’Obscur, Paris, Gallimard, 1950.
[5] M. Blanchot, L’Écriture du désastre, Paris Gallimard, 1980.
[6] M. Blanchot, Après coup, précédé par Le ressassement éternel, Paris, Editions de Minuit, 1983.
[7] M. Blanchot, Le Très-Haut, Paris, Gallimard, 1948
[8] M. Blanchot, L’Arrêt de mort, Paris Gallimard, 1977
[9] M. Blanchot, Le Très-Haut, op. cit.