Brève sur Samuel Beckett, l'art du noeud-dire de Bruno Geneste, par Michel Bousseyroux

 

Brève : Trois hypothèses nodales de Bruno Geneste dans Samuel Beckett, l’art du nœud-dire

 

L’expérience d’écriture beckettienne est une expérience du nœud-dire, du dire qui fait nœud. Bruno Geneste se propose de distinguer le singulier de celle-ci de celle de Joyce. Il considère que Beckett va « plus loin » que Joyce et qu’il a été post-joycien bien avant que Lacan n’ait proposé, en 1975, au psychanalyste de l’être, au sens de savoir dévaloriser la jouissance opaque du symptôme, ce qui non seulement fait de Lacan un beckettien mais pose la question de ce que l’expérience de Beckett apporte à la praxis de la psychanalyse.
    
Bruno Geneste s’éloigne de l’hypothèse clinique de la mélancolie souvent invoquée à propos de Beckett, avançant que « l’écriture de l’écart de langage », du « blank », lui a permis de faire échouer la mélancolie comme nouage à deux consistances du symbolique avec le réel et l’imaginaire agglutinés et se nouant selon cinq passages dessus-dessous. Car Beckett ne rejette pas l’inconscient-lalangue. Un autre type de nouage à deux, celui-ci avec sept passages dessus-dessous, que présente Lacan dans son séminaire de L’insu que sait du 18 janvier 1977 pour interroger ce qu’il en est du corps en tant le réel de la vie y est suspendu, retient l’attention de Bruno Geneste : il y lit une mise en fonction du hiatus répondant mieux à la solution beckettienne, comme ayant travaillé lalangue « de façon à produire un nouage qui permette de nouer la solitude du vivant autrement qu’en la meublant de blabla » pour que le nœud-dire « res/pire ». Pour Bruno Geneste le dire de Beckett est une réponse clinique au nœud que produisit Lacan ce jour-là où il aurait aimé que quelqu’un l’interpelle à ce propos. À la fin de partie borroméenne il y a Beckett qui vient donner à Lacan la réplique.
    
Joyce et Beckett ont trouvé deux solutions sinthomatiques bien différentes. Si pour chacun d’eux le rapport imaginaire ne se fait pas, la configuration initiale du nœud diffère, avec ce nœud à deux de l’expérience primaire de Beckett, qui n’est pas celui de la mélancolie tout en branchant le corps sur le réel de la vie. Le nœud final de l’expérience beckettienne aussi. Beckett parvient, ose avancer Bruno Geneste, à la réduction du nœud borroméen généralisé, celui par lequel Lacan réduit son nœud à quatre à trois consistances dont le déchiffrage suffit à les défaire. Il semble bien, en effet, qu’avec ce borroméen généralisé « en puissance de dissipation » Lacan ait rejoint in extremis l’art du « savoir-défaire » qu’excellait à empirer Beckett, lui pour qui le coup de dés du dire était toujours à relancer sur le tapis du réel où forcément il porte à conséquences.     
 

Michel Bousseyroux

   

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