Brève sur Les noeuds de la parole par Bernard Lapinalie

À propos des Noeuds de la parole, de Marc Strauss, une brève par Bernard Lapinalie


Ce livre est la retranscription du séminaire proféré durant une année par Marc Strauss avec les contributions de Vanessa Brassier et d’Eve Cornet sur « la violence de la parole ». Ironie, notons le, d’une expérience de parole de l’auteur sur « la violence de la parole » : comment parler du dehors de ce dans quoi on est pris ? L’auteur n’ignore pas ce « rêve impossible de l’un », et ça donne le ton à l’ensemble.

Qu’est-ce qui s’y dit ?
Le parti y est pris d’interroger le père, son nom et sa violence, son lien au signifiant qui frappe, qui marque le corps, d’autant que, selon l’auteur, Lacan n’a jamais dit son dernier mot sur le père. Le propos examine cette « inouïe violence » qui ne sera pas sans une « jonction » que l’auteur dira « forcée » avec le corps, qui fait la jouissance propre à chacun avec le mystère de cette satisfaction que prend l’être humain à la soumission qui fait notre quotidien, un grand pan de notre clinique et de nos sociétés.
Partant de là bien des choses vont être dites… disons : « des nœuds de la parole » aux « nœuds borroméens de Lacan », nœuds dont la souplesse insistante, rappelle l’auteur, pose une nouvelle difficulté clinique et pratique dans l’enseignement de Lacan – référence faite ici à Christian Fierens dans son livre Lecture du Sinthome. La thèse est en cours d’élaboration.

Qu’est-ce qui m’a marqué, qui pourrait donner envie de lire ce livre parmi d’autres ?
C’est clairement la place affirmée de l’humour, du mot d’esprit, de l’ironie… toutes formes de la fameuse équivoque « qui a toujours sa face de saloperie », dit Lacan dans RSI. L’humour sans lequel l’analyse, notre pratique, serait impuissante sinon invalide. C’est ainsi que le livre commence par le mot d’esprit involontaire d’un patient pour aller vers ce rappel final que « tout mot d’esprit est une trahison, au moins du sens commun et des convenances ». L’humour c’est le parti pris de la psychanalyse qu’enfourche l’auteur tout au long de ce livre, celui de « la défense de l’esprit libre et du souffle créateur contre les ségrégations » et bien entendu contre la soumission… C’est ainsi que d’emblée l’appel est fait au Lacan de RSI (leçon VIII) disant que « L’humour dans la grâce de l’esprit libre, symbolise une vérité qui ne dit pas son dernier mot » et que « ce dont il s’efforce – ce dont Marc Strauss semble bien s’efforcer ici – c’est de mettre un peu d’humour dans la reconnaissance de cette saloperie comme présence ». Cette place faite à l’humour dans les thèses de l’auteur n’est-elle pas ce qui y fait signe d’une autre présence voilée ? Celle essentielle à tout enseignement pour la psychanalyse de « l’antithèse où commence l’acte » comme le dit Lacan dans L’acte analytique (leçon du 6 décembre 67) ? A lire donc.

Bernard Lapinalie

 

 

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