Brève sur Beckett avec Lacan, de Dominique Marin, par Michel Formento

 

Brève à propos du livre : Beckett avec Lacan
de Dominique Marin, par Michel Formento

 

En sept chapitres, l’auteur explore les rapprochements entre les savoir-faire de Lacan et de Samuel Beckett, « deux créateurs possédés non par le conceptuel mais par la pratique et par la production d’effets de langage [1] » ceci alors que les références à ce dernier sont très peu fréquentes chez le psychanalyste.

On peut lire le livre avec le repère d’une thèse centrale exprimée dans la conférence Joyce le symptôme où Lacan se déclare « post-joycien ». Joyce en portant l’écriture à l’inintelligible témoigne de la jouissance propre au symptôme. Compte tenu de l’expérience joycienne de l’écriture, la résolution d’une psychanalyse porte sur « la jouissance propre au symptôme et la possibilité de la dévaloriser [2] » et « être post-joycien, c’est le savoir [3] » affirme Lacan. Dominique Marin reprend la thèse de Lacan exprimée ainsi par Michel Bousseyroux : « être post-joycien c’est savoir quelque chose de la jouissance hors-sens du symptôme ». Le rapprochement est fait avec la dévalorisation du langage qu’effectue Beckett dans ses œuvres qui ne touchent pas qu’à l’écriture (romans, essais, théâtre, pièces radiophoniques, télévision, cinéma). C’est l’expérience de l’impuissance du langage qui l’emmène à explorer d’autres disciplines artistiques. Il se détache là de Joyce. Peut-on alors parler d’une psychanalyse beckettienne ? C’est la thèse de Michel Bousseyroux citée par Dominique Marin au sujet de ce que « nous apprend l’expérience de l’écriture beckettienne de ce qu’est la fin de partie de l’analyse pour Lacan qui se dit post-joycien [4] ». Beckett quant à lui affirme que « la meilleure façon d’utiliser le langage sera de le malmener de la façon la plus efficace possible, y creuser un trou après l’autre, jusqu’au moment où ce qui se cache derrière, que ce soit quelque chose ou rien, commence à suinter – je ne vois pas de plus noble ambition pour l’écrivain d’aujourd’hui [5] ».

Finalement en quoi l’art, l’artisanat peut-il déjouer ce qui s’impose du symptôme par l’artifice, le savoir-faire de l’artiste ?

 

 

Michel Formento

 

 

[1] Llewellyn, Brown, «  la vraie prière enfin », Préface au livre de Dominique Marin, Beckett avec Lacan, Paris, Éditions Nouvelles du Champ Lacanien, 2021, p.12.

[2]Michel Bousseyroux, Lacan le borroméen, creuser le nœud, Ères, 2014, p.291.

[3]Jacques Lacan, « Joyce le symptôme », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.570.

[4] Michel Bousseyroux ,« Apprendre de Beckett II », Penser la psychanalyse avec lacan, marcher sur un cheveu, Ères, 2016, p.155.

[5]Samuel Beckett, Lettres 1929-1940, Paris, Gallimard, 2014, p.563.

 

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